Cystite radique

Radiothérapie

Les patients atteints d’un cancer sont souvent opérés puis reçoivent une radiothérapie et/ou une chimiothérapie additionnelle. Les tumeurs de la vessie, de la prostate ou de l’urètre sont réséquées chirurgicalement. Pour s’assurer qu’aucune cellule tumorale ne survive, une irradiation externe est effectuée dans le but d’éliminer toute cellule cancéreuse résiduelle.

L’irradiation des tissus malades de la cavité pelvienne s’effectue depuis l’extérieur, à travers la peau. Le faisceau de rayons, sa dureté et la durée de l’irradiation sont aujourd’hui calculés de manière à cibler précisément la zone atteinte et à limiter autant que possible l’atteinte des autres organes et de la peau. Bien que les techniques d’irradiation aient fait de grand progrès au cours des dernières décennies, une atteinte des organes voisins de la tumeur et de la peau est inévitable..

La radiothérapie consiste à irradier les organes internes atteints à travers la peau au moyen d’un faisceau de rayonnement concentré. Souvent, la peau est aussi lésée par ce traitement. Cela peut se manifester comme un coup de soleil, une sécheresse cutanée, voire comme une véritable brûlure. Lors du traitement de la tumeur, ces atteintes cutanées doivent être prises en considération et traitées au moyen d’une crème cicatrisante.

Radiothérapie (figure)

Une radiothérapie provoque souvent des lésions cutanées semblables à des brûlures. Il peut aussi se produire des lésions profondes qui guérissent lentement. Ces atteintes doivent être traitées de manière appropriées et, si nécessaire, la radiothérapie doit être interrompue.

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Figure : radiothérapie

Lésions tissulaires dans la vessie

Le rayonnement à haute énergie qui atteint les tissus endommage les cellules, les empêche de se multiplier et finit par les tuer. En plus des tissus malades, le parcours du faisceau traverse aussi les cellules saines adjacentes.

Malgré les améliorations des techniques de radiothérapie ces 20 dernières années, ce traitement provoque encore des dommages dans les tissus sains avoisinants.

Lésions tissulaires et symptômes

Après plusieurs semaines de radiothérapie, des lésions cutanées se produisent régulièrement ; elles doivent être traitées au moyen d’une crème cicatrisante (par exemple une crème contenant de l’acide hyaluronique). Les organes internes, comme la vessie ou l’urètre, peuvent aussi être endommagés par le rayonnement, mais les symptômes sont très différents. L’irradiation des tumeurs

pelviennes (cancer de la prostate, de la vessie ou du col de l’utérus) provoque une cystite radique chez environ 10% des patients. En cas de cancer de la prostate, la probabilité va jusqu’à 50%. Les douleurs de la cystite radio-induite proviennent de lésions de l’épithélium, des terminaisons nerveuses ou des muscles de la vessie. Les symptômes d’une cystite radique comprennent les urgences mictionnelles, les troubles de la miction (dysurie), une incontinence, des mictions nocturnes (nycturie) et des douleurs pelviennes.

Urgences mictionnelles, incontinence et des mictions nocturnes (figure)

La radiothérapie des tumeurs du système urogénital provoque souvent des lésions tissulaires et nerveuses se manifestant chez les patients par des urgences mictionnelles, une incontinence et des mictions nocturnes. Une prévention et un traitement précoce des lésions tissulaires peuvent diminuer les symptômes et parfois les empêcher.

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Figure : urgences mictionnelles, incontinence et des mictions nocturnes

Physiopathologie

Dans les premières semaines suivant l’irradiation, se produit une réaction inflammatoire aiguë avec œdème et augmentation du flux sanguin de l’épithélium vésical. Dans les cas favorables, cette inflammation peut disparaître et l’épithélium vésical guérit.

La réaction inflammatoire aiguë est suivie de la mort des cellules de l’épithélium vésical est d’une diminution du débit sanguin local (réaction ischémique). L’hypoperfusion des tissus sous-muqueux provoque un manque d’oxygène dans les tissus et ils ne peuvent ainsi plus se régénérer. Cette hypoxie (manque d’oxygène) tissulaire de la muqueuse vésicale induit la libération de médiateurs de l’inflammation, des lésions de vaisseaux et des saignements dans la vessie (macrohématurie).

Suite à des épisodes récurrents d’inflammation de la muqueuse vésicale et à une régénération insuffisante, une réaction fibrotique se produit dans la paroi vésicale. Une grande quantité de tissu fibreux se forme dans l’épithélium vésical, de sorte que la vessie perd son élasticité et extensibilité naturelle. Le tissu vésical se rétracte alors tellement que la vessie ne peut plus contenir que quelques millilitres d’urine (vessie rétractée).

Phases de la cystite radique (figure)

Au stade terminal, une cystite radique se manifeste par les mêmes symptômes que la cystite interstitielle. Contrairement à la cystite interstitielle, les causes sont ici connues et il faut appliquer des mesures préventives pour éviter le cercle vicieux décrit ci-dessus.

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Figure : phases de la cystite radique

Causes des douleurs

L’urètre et la vessie sont protégés par une couche de glycosaminoglycanes, constituée de sulfate de chondroïtine et d’acide hyaluronique, située à la surface de l’épithélium. Dans la vessie, la couche de glycosaminoglycanes protège les couches superficielles de l’épithélium vésical (urothélium) et empêche les substances toxiques contenues dans l’urine d’entrer en contact avec les terminaisons des récepteurs de la douleur.

Suite à une irradiation destinée à traiter une tumeur cancéreuse, il arrive souvent que la couche de glycosaminoglycanes de la vessie ou de l’urètre soit lésée ; il en résultat alors des douleurs et des troubles de la vidange vésicale.

La perte de la couche de glycosaminoglycanes et les dommages à l’épithélium exposant les terminaisons nerveuses sensibles est responsable de la survenue de douleurs. La pénétration de substances toxiques (en particulier des ions potassium) dans l’épithélium vésical provoque une inflammation du tissu conjonctif

sous-jacent. La libération d’histamine joue un rôle important dans ce processus en renforçant l’état inflammatoire et par conséquent les douleurs. Ce type de cystite est généralement stérile, c’est-à-dire qu’aucune bactérie n’est impliquée dans le processus inflammatoire. La cystite radique appartient au groupe des cystites abactériennes, comme la cystite interstitielles ou les cystites induites par des médicaments cytotoxiques.

Troubles de la vidange de la vessie (figure)

Lors d’une irradiation de la vessie, de la prostate ou du col de l’utérus, la couche protectrice de glycosaminoglycanes est la première à être affectée par le rayonnement. En raison de la destruction de cette couche protectrice constituée de sulfate de chondroïtine et d’acide hyaluronique, l’épithélium vésical devient perméable aux substances toxiques contenues dans l’urine, qui peuvent ainsi atteindre et stimuler les récepteurs de la douleur. Les douleurs et les lésions nerveuses provoquent typiquement des troubles de la vidange de la vessie.

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Figure : troubles de la vidange de la vessie

Diagnostic et prévention

Diagnostic

Pour confirmer le diagnostic, une cystoscopie et un test de sensibilité au potassium peuvent être effectués. Le test de sensibilité au potassium est relativement compliqué, car la vessie doit être remplie avec une solution saline (chlorure de sodium) puis, après vidange, à nouveau remplie avec une solution de chlorure de potassium (0,2 mol/l) ; les volumes de remplissage avec les deux solutions sont ensuite comparés.

Si le volume de remplissage avec le chlorure de potassium et inférieur d’au moins 15% à celui de la solution saline, on peut conclure que la perméabilité de l’épithélium vésical est augmentée et que par conséquent la couche de glycosaminoglycanes et endommagée.

Prévention

A la différence de la cystite interstitielle, la cause de la cystite radique est connue. Pour protéger l’épithélium vésical avant une radiothérapie et prévenir une cystite, on remplit la vessie avec une solution saline physiologique.

La solution présente dans la vessie absorbe une partie du rayonnement, de sorte que les cellules de l’épithélium vésical sont moins endommagées. Le remplissage de la vessie repousse également un peu le rectum vers l’arrière, de sorte qu’il est lui aussi moins affecté par l’irradiation.

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Traitement de la cystite radique

Comme la cystite interstitielle, la cystite radique est souvent traitée de manière uniquement symptomatique. On utilise ici des traitements oraux et par voie intravésicale.

Traitements oraux

Les médicaments agissant sur le système nerveux autonome comme les anticholinergiques et les sympathicomimétiques diminuent la tension de la musculature vésicale et aident à réduire la fréquence des mictions et l’incontinence.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les antihistaminiques diminuent l’inflammation de la vessie, en inhibant la synthèse des prostaglandines (AINS) d’une part, et en empêchant la libération de l’histamine et la migration des cellules inflammatoires (antihistaminiques) d’autre part.

Les antidépresseurs, comme l’amitriptyline, sont souvent utilisés car ils modulent les voies de la douleur dans la moelle épinière et atténuent les signaux douloureux périphériques ascendants. Les antidépresseurs sont en général utilisés lorsque la cause de la douleur ne peut pas être déterminée.

Traitements intravésicaux

Comme pour la cystite interstitielle, diverses instillations intravésicales sont à disposition pour traiter la cystite radique ou la cystite induite par une chimiothérapie. Les solutions contenant du polysulfate de pentosane et de l’héparine sont utilisées depuis de nombreuses années pour des instillations vésicales. Ces molécules

de sucres polysulfatés aident à reconstituer la couche de glycosaminoglycanes et par conséquent la protection naturelle de l’épithélium vésical.

Des instillations et des injections ciblées de toxine botulinique sont utilisées pour contrôler l’hyperactivité vésicale, ce qui diminue les urgences mictionnelles et la fréquence des mictions.

Les instillations intravésicales de solutions contenant du sulfate de chondroïtine et de l’acide hyaluronique sont utilisées avec succès depuis quelques années. L’application locale de sulfate de chondroïtine et d’acide hyaluronique permet non seulement de reconstituer la couche de glycosaminoglycanes, mais aussi d’inhiber l’inflammation de l’épithélium vésical. L’instillation de sulfate de chondroïtine et d’acide hyaluronique permet de traiter la cause des symptômes. En ce sens, il s’agit d’un traitement de longue durée lorsqu’il s’agit de reconstituer la couche protectrice de glycosaminoglycanes. Plus les symptômes de la cystite radique sont traités précocement, moins il y a de chances qu’une cystite radique chronique réfractaire au traitement se développe.

Instillation intravésicale (figure 2)

L’instillation intravésicale de sulfate de chondroïtine et d’acide hyaluronique aide à reconstituer la couche de glycosaminoglycanes. L’épithélium vésical est ainsi à nouveau protégé des substances toxiques contenues dans l’urine. L’acide hyaluronique et le sulfate de chondroïtine exercent également un effet anti-inflammatoire, ce qui permet de diminuer les douleurs.

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Figure 1 : traitements oraux et intravésicaux
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Figure 2 : instillation intravésicale